Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/168

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Elle était là, sa figure pâle, tirée, comme abimée sous le coup d’une forte émotion. Elle semblait ne point s’apercevoir de ce qui se faisait autour d’elle, et n’avait nul souci de tous les passants qui la regardaient parfois d’un air curieux.

— Je ne puis aller plus loin, disait cette pose affaissée, inerte, et elle était tombée au pied de cette église, témoin silencieux de bien d’autres douleurs.

Vous auriez eu froid au cœur de la voir ainsi. Le jour tombait rapidement, les rafales du vent balayaient autour d’elle des tourbillons de feuilles mortes, et, au-dessus de sa tête, un ciel gris et terne la regardait implacable.

La sympathie, c’est le fluide mystérieux qui attire deux âmes l’une vers l’autre. Point n’est besoin, pour l’exprimer, de longs discours et de vaines protestations ; ces âmes se sont comprises dans un regard, dans une seule parole, et, c’est avec confiance qu’elles se demandent mutuellement secours et consolation.

C’est ainsi que, remarquant ma réserve et ma discrétion, elle devina ma sympathie, et, levant les yeux vers moi, elle me dit tout à coup :

— Jamais je ne pourrai lui dire !…. Puis, dans un moment d’expansion, pour se soulager quelque peu du poids qui l’étouffait, et adoucir son chagrin, elle me raconta sa triste histoire.

Restée veuve depuis des années, elle ne subsistait que du travail de ses mains, qu’une santé chancelante lui interdisait bien souvent ; mais, elle était seule, et, un pain n’est pas vite consommé quand il n’y a qu’une bouche pour le manger.

Comme tout est relatif en ce monde, c’était presque l’aisance, si elle comparait son état à celui d’une pauvre voisine, veuve aussi, demi-paralysée, et gisant abandonnée dans la plus affreuse détresse.

Dernièrement, un des frères de la pauvre infortunée, demeurant aux États-Unis, lui avait envoyé un mandat-postal de trente dollars.