Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/178

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Ah ! si les cadeaux pouvaient parler, l’institution en serait vite abolie.

Mais voilà : les cadeaux sont muets. »

Tiennent-elles, croyez-vous, cher confrère d’outremer, toutes le même langage, les étrennes du jour de l’an ?

Combien y a-t-il de ces pessimistes, qui ont ainsi la malencontreuse manie d’envisager du mauvais côté toutes les choses de ce monde ? De ceux qui ont toujours un mot de blâme pour atténuer l’heureux effet d’une louange, qui voient un reproche dans une légère observation, une moquerie dans un sourire.

Grand bien leur fasse à ces esprits taquins qui enveniment leur condition présente, et dédorent la galette quotidienne avant que d’y mordre.

Je suppose qu’on vient au monde avec cet esprit-là, comme on naît presbyte, myope ou louche.

Je faisais intérieurement cette observation en marchant, l’autre jour, dans la rue, par une température désagréable, où, s’il vous en souvient, une grêle abondante couvrait le macadam de petits grains blancs et durs qui remuaient sous nos pieds, et que l’on aurait pu ramasser à pleines mains.

Deux fillettes qui passaient près de moi, eurent, à la fois, une exclamation qui me peignit leurs dispositions, mieux que la connaissance la plus intime de leur caractère ne l’aurait pu faire :

— On dirait du sel, dit l’une.

— On dirait du sucre, s’écria l’autre.

En voilà une qui aimera la vie et la fera aimer, pensai-je en les regardant s’éloigner, mais je plains l’autre de tout mon cœur.

Si les cadeaux pouvaient parler ! Mais ils parlent tous ! Quelques-uns, il est vrai, tiendront le langage de l’égoïsme et de la vanité mais ce sont des exceptions et le plus grand nombre murmurent de très jolies choses.