Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/182

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parjures qui disent eux aussi : Que votre nom soit sanctifié — combien de nous récitent du fond du cœur, comme ils balbutient des lèvres : Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons !… Les luttes pour la vie, les heures consacrées à ce combat continuel avec les hommes, laissent souvent au fond du cœur une amertume, une haine sourde que le temps est lent à faire oublier.

Pensez-vous qu’un politicien pardonne aisément à un adversaire vainqueur ? Demandez au pauvre humilié s’il pardonne au riche orgueilleux, à l’opprimé, s’il pardonne à l’oppresseur, à l’avocat, s’il pardonne au juge partial, à une femme, si elle pardonne à une rivale ou plus heureuse ou mieux douée ?

— Quelquefois, corrigea-t-elle doucement.

— Et, si l’on pardonne, poursuivit-il impitoyablement, de quelle manière a-t-on satisfait au divin précepte ? Après avoir épuisé sa rancœur, après avoir reconnu dans son ennemi la partie vulnérable pour mieux l’y frapper, après l’avoir tué parce qu’il nous a blessé… Et cependant, on répétera : pardonnez-nous, comme nous pardonnons. Vous entendez, nous donnons nous-mêmes la mesure !

Combien d’hypocrites disent encore : ne nous laissez pas succomber à la tentation, et qui, loin de la fuir, la recherchent tous les jours.

Et, il y en a, vous le savez, de si jolies, de si douces, qu’on ne demande pas mieux que d’écouter leur voix de sirènes…

— Vous m’avez fait de la peine, dit la jeune femme, parlons d’autre chose. Mais, pas avant de vous dire poursuivit-elle d’une voix basse et enfiévrée, que, ce que nous faisons, nous, vous le pourriez aussi. Nous pardonnons vos infidélités, sans revanche, sans représailles. C’est franchement, sincèrement, que nous demandons de ne pas nous laisser induire en tentation… Et pourtant,