Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/207

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— Ou un exorde habile pour me préparer à entendre le fait ?

— Peut-être, répliqua-t-elle en souriant. Hier soir donc, en revenant de chez mon professeur de musique, sur les six heures du soir, comme je me disposais à rentrer an logis paternel, je croise subitement sur ma route, la petite Séraphine. Vous savez ? Séraphine qui s’est mariée il y a deux ans à monsieur Jean Hervieux. Vous ne le connaissez pas ? Allons, tant mieux. Séraphine et moi nous nous connaissions très bien, mais depuis son mariage, je l’avais un peu perdue de vue.

— Viens souper avec moi, j’ai tant de choses à te conter, me dit-elle en s’accrochant à mes jupons.

Je refuse ; elle me presse, et, finalement, j’accepte. Justement, nous croisons le mari sur le palier, et, nous n’étions pas débarrassées de nos manteaux, que la servante annonce que le souper était servi. Nous passons dans la salle à manger où un délicat menu nous attendait. Intérieurement, je me félicitais d’avoir accepté.

Nous n’étions que trois autour de la petite table : Séraphine, le mari et moi. Une lumière discrète tombait doucement sur les cristaux et l’argenterie qui couvraient la nappe blanche ; je reluquais de l’œil un gâteau superbe et une compote qui semblait délicieuse, et je pensais que ces bonnes choses, agrémentées d’une conversation intéressante, seraient mille fois meilleures encore.

Au premier coup de fourchette, Séraphine commence à nous parler d’une visite qu’elle venait de faire à un médecin de notre ville, pour le consulter relativement à une sienne cousine, malade à la campagne.

D’abord, elle voulut faire du mystère, et, ne pas mentionner le nom du médecin ; son mari le savait, lui, c’était assez, il n’était pas nécessaire de me le dire. Remarquez que je ne le lui demandais pas. Mais, petit à petit, son enthousiasme l’emporte, et, j’apprends non seulement son nom, mais, tous ses prénoms.