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Lundi, 28 mai.

Par une jolie après-midi de la semaine dernière, toute claire et faite d’ensoleillement, nous avions décidé d’aller sauter les rapides de Lachine.

Ce serait notre première excursion de la saison, et, rien que l’idée d’apaiser cette fringale de plein air et de campagne qui nous dévorait depuis l’éclosion des feuilles, nous mettait au cœur une gaieté exubérante et folle.

Grand Dieu, si nous allions manquer le train !

À la gare Bonaventure où les excursionnistes s’étaient donné rendez-vous, quelques traînards n’avaient pas encore fait leur apparition, et, l’heure avançait avec une rapidité désespérante.

Enfin, un à un, ils arrivent tous et, vite, on s’élance au dehors.

Le chef de l’expédition monte dans un wagon qui attend, en grondant le long de la plate-forme, et nous l’escaladons lestement derrière lui. Mais, fiez-vous à la sagesse des hommes, le train partait à destination de Portland ; nous dûmes donc précipitamment rebrousser chemin et prendre place dans le convoi de Lachine, le seul, le véritable, juste, au moment où celui-ci, s’ébranlant lentement, lançait dans l’air des panaches de fumée grisâtre.

Ouf ! je respire enfin. J’avais eu une frayeur atroce et un sinistre pressentiment me hantait, depuis le matin, que nous manquerions notre coup.

Arrière donc, noirs présages, et amusons-nous franchement.

Je me colle le nez à la fenêtre pour ne rien perdre du spectacle qui doit passer sous mes yeux.

Que c’est donc beau, mon Dieu ! la verdure, les champs, les prés couverts d’herbe longue et soyeuse !

Parfois, nous rasons des collines boisées d’arbres dont