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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/234

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quand ton souffle sera moins brûlant et ton ciel moins enflammé.

Voilà que déjà la brise du fleuve caresse nos fronts, et en efface tous les soucis accumulés de l’année, pour ne laisser qu’une sensation ineffable de bien-être, de calme, de repos, de béatitude parfaite.

C’est un délicieux instant.

Autour de vous, chacun se pénètre de la solennité du moment et cause à voix basse, ou songe, en regardant la transparence de l’eau.

Le paysage des deux côtés de la rive est éblouissant de fraîcheur et de grâce ; on ne se lasse pas d’admirer un spectacle aussi variable à tout instant.

Tantôt, ce sont des villas, à demi cachées derrière un rideau de lierres grimpants ; tantôt, ce sont des bosquets où déjà règnent les ombres profondes du soir.

Ici, ce sont des champs, là-bas d’humbles maisonnettes, et sur le pas des portes gambadent des bambins aux yeux vifs, à la mine fleurie.

Les antiques moulins, échelonnés le long du fleuve, étendent vers le ciel leurs grands bras blancs, comme pour protester contre l’envahissement d’une civilisation qui les relègue trop loin en arrière.

Puis, lentement, descendent les voiles brumeux de la nuit, et avec eux des voix mystérieuses montent du fond des eaux et soufflent à l’âme je ne sais quoi de suave et de mélancolisant

Les phares s’allument de chaque côté de la rive et percent l’obscurité profonde : tel un rayon d’espoir, luisant aux yeux du malheureux désespéré.

On entrevoit vaguement, ça et là le haut clocher d’une église de campagne, simple et rustique comme son pittoresque village.

La petite lampe du sanctuaire, brillant à travers les étroits vitraux, rappelle à ceux qui descendent le cou-