Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/259

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Mais poursuivons notre promenade, et voyons ce que nous racontent ces blocs de pierre sur notre passage.

Ceux-ci nous parlent d’une vie domestique, tranquille et paisible, dont rien n’est venu bouleverser le cours.

On sent que, dans cet intérieur, tout est uniforme et réglé comme le balancier de la pendule, qui va et vient sur la cheminé de marbre.

Pour vous qui aimez le mouvement, le bruit, ces jours s’écoulant ainsi entre quatre murs seraient par trop monotones. Cependant, c’est ce qui met dans l’âme la plus douce quiétude et c’est ce qui prévient les rides et les cheveux blancs.

Est-ce bien le bonheur ou seulement apathie profonde ? Qui sait ! car si les murs laissent pressentir ce qui se passe derrière eux, ils ont aussi plus d’un secret qu’ils savent garder.

Qui peut nous dire les drames intimes, les tempêtes effroyables qu’ils dérobent à nos yeux.

J’y pense souvent avec un frisson de terreur, en contemplant ces pierres, témoins de tant d’événements.

Quelquefois, malgré eux, ces murailles nous donnent l’intuition secrète des malheurs qu’elles abritent, et plus d’une fois l’on s’est dit, en détournant les yeux d’un de ces sinistres réduits : Plutôt la plus pauvre des chaumières que ces lambris dorés, marqués au sceau d’une implacable fatalité !…

Ce sont souvent de plus humbles habitations qui nous suggèrent l’idée du bonheur. Celles-là ne sont point écrasées du poids imposant de leur grandeur, et plaisent simplement par leur gentillesse et cet air de confort qui charme et séduit.

J’aime à les voir à l’heure du soir, quand la lumière des lampes, discrètement voilées, fait rougeoyer les vitres et répand un air de gaieté, réjouissant jusqu’aux piétons attardés qui regagnent leur domicile.