Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/262

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Sans compter maintes autres exclamations sotto voce, que je n’aimerais pas à vous traduire ici.

Je ne pouvais m’empêcher d’admirer le sang-froid de la jolie acheteuse. Dans des conditions semblables, je n’aurais pu acheter un papier d’épingles.

Ce que c’est que l’habitude, je suppose, car madame sereine et paisible, souriante même, marchandait ceci, se faisait apporter cela, palpait la soie, froissait les dentelles, achetait, achetait, sans plus se préoccuper de son seigneur et maître que s’il n’eut jamais existé.

Maintenant, je me le demande, pourquoi amener dans de pareils endroits une personne dont on ne peut consulter le goût, qui n’a aucune compétence et pour qui cette besogne de magasiner prend les proportions d’une tâche insupportable ?

Chacun dira que, pour nous, le magasinage est un des plus agréables passe-temps que nous puissions nous donner, que nous en usons et abusons à cœur que veux-tu.

Soit, j’admets assez volontiers que les colifichets sont de notre ressort et que nous nous entendons bien en fait de bagatelles.

Les articles de notre toilette, étant nombreux et variés, nous obligent pour ainsi dire à développer nos aptitudes ; joignez à cela un goût prononcé pour les jolies choses, qui est un des traits caractéristiques de la femme, et l’on ne s’étonnera guère de nos dispositions de ce côté.

Il n’en est pas moins vrai, tout de même, que ces recherches à propos de chiffons doivent paraître insupportables aux hommes, et si j’étais qualifiée pour donner un conseil à cette partie éminemment respectable de mon sexe qui comprend les femmes mariées, je leur dirais :

Laissez vos maris à leurs occupations, à leurs cigares,