Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Écoutez la légende bretonne :

« Chaque âme masculine correspond à une âme de femme, et chacune de ces âmes est représentée, entre les mains de saint Pierre, par une orange coupée en deux.

« Au fur et à mesure que deux êtres, créés l’un pour l’autre, apparaissent sur la terre, le grand saint projette dans un périmètre déterminé chaque moitié de l’orange. Quand les parties, ainsi disséminées dans l’espace, tombent dans un certain rayon, il en résulte un bonheur parfait pour deux créatures humaines. Par malheur, souvent la rencontre n’a pas lieu… »

Et voilà, je suppose, ce qui a donné lieu au dicton populaire : Les mariages partent tout faits du ciel. Heureux ceux qui se trouvent, malheureux ceux qui se perdent !

Sur la côte nord, la croyance générale veut que ceux qui ne se marient pas soient des veufs et des veuves, dont le mari ou la femme qui leur était destiné est mort au berceau ou avant l’hymen.

Et les vieux garçons et les vieilles filles, ne trouvant plus sur la terre cette autre moitié d’eux-mêmes, qu’ils cherchent sans cesse, passent leur vie seuls jusqu’au jour des éternelles réunions.

Mais a quel signe reconnaît-on l’alliance préméditée de telle âme avec une autre ? Pourquoi ne sont-elles pas marquées là-haut, dès leur départ, d’un sceau indélébile, ou rattachées par quelque lien invisible qui les empêche de s’éloigner trop l’une de l’autre ?

De cette manière, on éviterait ces catastrophes déplorables qui s’appellent les unions mal assorties. Il n’y aurait plus de forçats du sort, condamnés à perpétuité à traîner après eux un boulet dont le poids augmente sans cesse.

Oh ! il y en a qui le portent légèrement, ce boulet ; ils trouvent moyen de limer leur chaîne et de s’en débarrasser, sans que cela y paraisse.

Aussi bien ce n’est pas de ceux-là que je veux parler ;