Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/294

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Mais qu’ils étaient heureux ! la joie éclatait sur leurs traits.

Leur démarche était fière et, la tête dans la nue, ils étaient presque insolents à force de bonheur.

On eut dit que l’univers entier leur appartenait, et j’ai du descendre au bord du trottoir pour laisser à ces conquérants tout l’espace qu’ils exigeaient comme un droit.

Et je pensais, en les regardant s’éloigner au bras l’un de l’autre, que je venais d’entrevoir la radieuse vision du vrai bonheur, du bonheur indépendant des sottes conventions, des bas calculs, des envieuses intrigues.

Ils s’aimaient, tout est là.

La misère les guette au passage ; demain peut-être, ce sera le chômage pour l’ouvrier, et le pain se fera rare dans la maison. N’importe, on se partagera le dernier morceau et, pour oublier les mauvais jours, on s’aimera davantage.

Pour nous, qui sommes des êtres supérieurs, nous que la civilisation et l’instruction ont raffinés, s’aimer seulement ne suffit pas à notre bonheur.

Il nous faut les jolis revenus, les façades sur les plus beaux boulevards, les meubles de luxe et les distractions d’une société brillante.

Et tandis que nous allons ainsi, cherchant ailleurs, un bonheur humble et discret frappe, tout bas à notre porte, et nous n’ouvrons pas, parce qu’il ne nous est pas arrivé en grand équipage, précédé d’un héraut pour l’annoncer. Oh ! oui, vraiment que nous sommes donc sages !


Lundi, 16 septembre.

Bonjour, chers lecteurs !

S’est-on aperçu de mon absence, au moins ?

J’arrive après de belles vacances, employées à visiter le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le Cap Breton, trois provinces sœurs, qui se tiennent par la