Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/296

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nons qu’on ne tire jamais, parce qu’un seul coup réduirait en poussière toutes les vitres de la ville. Aussi les canonniers. pour l’exercice du tir, ont-ils monté un canon d’essai sur une plage déserte, où l’écho ne fait vibrer que les antres caverneux de l’océan.

J’ai donné à manger, en passant, aux pigeons voyageurs, dressés à porter des messages d’un fort à un autre. Pauvres petits pigeons, ils sont si gentils, qu’en caressant leur plumage chatoyant, je songeais que mieux eût valu les destiner aux messages de l’amitié !

Une seule chose m’a attristée, en laissant la citadelle. C’est de remarquer, au-dessous de la porte principale, en guise d’ornement, un petit canon français rapporté de Louisbourg, après la reddition de cette malheureuse ville.

Pauvre Louisbourg ! Je vous raconterai quelque jour le pèlerinage que j’y ai fait, et qui reste un des souvenirs les plus tristes mais aussi les plus intéressants, les plus beaux de mon voyage.

En me promenant dans la rue Hollis, une des rues les plus importantes d’Halifax, j’aperçus, dans la vitrine d’une pharmacie, une vieille cloche que l’on y exposait, avec une pancarte expliquant que cette cloche appartenait jadis à l’église de Louisbourg, d’où elle avait été rapportée après la conquête de cette ville par les Anglais, en 1759.

Impossible d’ailleurs de douter de sa provenance française. Au-dessous, d’une croix de St.-Louis, très bien gravée dans l’airain, se lisent encore ces mots :

Baizin m’a faict.

Pendant de nombreuses années, cette cloche a servi à sonner les meetings d’un temple protestant et, aujourd’hui qu’on l’a remplacée par une plus grande, elle est mise en vente par les autorités.

Cent dollars seulement.

C’est peu pour une relique qui devrait être, pour quiconque sent un peu de sang français lui couler dans les veines, d’un prix inestimable.