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Après toutes ces démonstrations, ne désespérons pas de pouvoir, un jour, apprendre l’arithmétique aux femmes.


Lundi, 21 mars.

Figurez-vous que j’ai amené un numéro gagnant au dernier tirage de la Loterie du Peuple.

Quand je dis : j’ai, c’est une façon de parler, car la vérité vraie c’est que nous étions deux ayant droit au même billet.

Une mienne amie m’avait offert de réunir nos deux bourses, et, avec leur contenu, de tenter la fortune dans ce jeu de hasard.

Nos trésors additionnés s’élevaient à la modeste somme de dix centins : tout juste assez pour justifier nos prétentions au billet de mille.

Bref, nous achetâmes un billet. Zizitte avait quelques sinistres appréhensions à cause d’un zéro dans le chiffre numérique et secouait mélancoliquement la tête.

— Un zéro, tu sais, répétait-elle, ça veut dire ; rien. Nous n’aurons donc rien et nous y aurons perdu tout notre argent !

Ce « tout notre argent », dit d’un ton lamentable, me donnait, j’en conviens, froid dans le dos. Pendant quelques secondes, des visions noires de famine, d’agonies épouvantables dans d’affreux galetas, traversèrent mon esprit,

— Changeons-le, hasardai-je.

— Non pas, reprit vivement mon amie, ça ne nous portera pas chance. Essayons plutôt de conjurer le sort…

À ce moment nous passions devant une vitrine étincelante de joaillerie, et, le nez collé sur le vitrage, un petit bossu examinait attentivement les merveilles que contenait l’étalage.