Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas tout. Si nous voyions quelque chose, quelque objet qui nous plût, vite nous nous promettions ce luxe, ce bijou, ce meuble, cet objet d’art, jouissant de la perspective de ce plaisir, plus encore peut-être, que de la possession elle-même. Enfin, ces jours d’attente ne furent que de belles heures charmées par les plus beaux projets.

Que de riantes espérances, que de jolis nuages roses, embellissant un horizon, on peut ainsi se procurer avec un billet de loterie, de dix sous. Dix sous ce n’est pas cher pour acheter tant de petits bonheurs.

Le jour était arrivé. Après l’heure du tirage nous nous rendîmes en personne réclamer notre bien.

« Or qu’advint-il ? Je le dirai sans rire, » comme on chante dans la chanson de Nadaud.

Nous n’avions pas le bon numéro et nous n’eûmes ni mille, ni cinq cents, ni cent, ni dix, ni cinq.

Nous avons dégringolé tous les étages, jusqu’au dernier échelon : le billet d’une piastre.

Après en avoir déduit la proportion pour cent, les frais de voiture, etc., nous sommes restées à notre point de départ : dix centins.

Dire que nous n’étions pas un peu désappointées ne serait pas rendre exactement la situation. Adieu veau, vache, etc.

Pourtant il nous restait encore un moyen de nous reprendre, de recommencer nos rêves si brusquement interrompus…

Et, avec nos derniers dix sous, nous avons acheté un autre billet de loterie.


Lundi, 28 mars.

Je détache d’une chronique qui a paru dernièrement, dans un journal, dont, par charité, je tairai le nom, le paragraphe suivant :