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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/49

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sienne, il vaut encore mieux raconter tout bonnement comme la chose nous a frappé. Cela n’engage en rien l’opinion du lecteur, et ça simplifie singulièrement la tâche de l’écrivain. Du moins, c’est mon impression.

Il ne s’ensuit pas, maintenant, que l’on n’écrive que ce que l’on a ressenti soi-même, ou que, si l’on décrit bien telle ou telle sensation c’est pour l’avoir éprouvée.

Sans doute, on peut, avant d’écrire, interroger son cœur, sa pensée, se demander comment on aurait pu agir en telle circonstance, afin de donner à son récit, la vraisemblance que le lecteur aime à retrouver partout. Mais de là à avoir nécessairement subi ces manifestations multiples de la douleur, de l’amour ou de la haine, que l’on raconte, il y a loin.

Quelques lecteurs ont déjà dit :

— L’on est toujours enclin à décrire ses propres sentiments.

Je ne le crois pas. Il est impossible, à mon avis, de livrer ainsi à un public indifférent les chers secrets de son âme, que, de crainte de les profaner, on ira pas même confiés à une oreille amie. Il est des trésors qu’on conserve avec un soin jaloux, et dont on ne voudrait pas confier la garde à personne et surtout à des inconnus.

Faut-il, parce qu’un auteur dépeint, retrace, avec une fidélité saisissante, la peur, les remords, les hallucinations, qui hantent le cerveau du criminel, croire qu’il a lui-même éprouvé toutes ces tortures ?

En étant doué d’un esprit observateur, on n’a qu’à regarder autour de soi pour trouver les matériaux nécessaires à l’édification de n’importe quelle œuvre. Il suffit d’étendre la main pour retenir et faire poser le personnage dont on a besoin.

L’expérience des autres, quand on se donne la peine de l’étudier attentivement, à raison de l’âge et de la diversité des personnes, sert davantage que si on ne