Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/57

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de ses jeunes années, les deux mondes s’émurent et prodiguèrent toutes les manifestations capables de compatir à une si grande infortune.

Hélas ! combien de jours se sont-ils écoulés depuis que le jeune prince repose dans sa dernière demeure, à la chapelle royale du Windsor ? A-t-on donné au temps, ce grand consolateur des inconsolables, le loisir de cicatriser la plaie faite à l’âme ?

Il semble que les flambeaux funéraires fument encore, et, qu’en prêtant l’oreille, on entendrait comme les échos des hymnes de la mort qu’on chante autour d’un cercueil.

Si la blessure a été profonde, elle devrait saigner encore. C’est trop tôt parler de réjouissances dans une maison endeuillée ; c’est trop tôt quitter les longs voiles noirs pour revêtir la blanche toilette des mariées. Et s’il faut aller à l’autel avec le bouquet d’épousée, qu’on prenne plutôt sur cette fraîche tombe les fleurs qui n’ont pas encore eu le temps de se flétrir : elles, au moins, ont su se souvenir.

Est-ce tant un époux que l’on aime qu’un trône que l’on convoite ? sont-ce tant les douceurs de l’hyménée qu’une couronne que l’on cherche ? est-ce moins le titre d’épousée que celui de reine que l’on ambitionne ?

Dans ce siècle où tout se pèse, se suppute et se vend, où l’on se sert trop souvent du flambeau de l’amour pour éclairer le contenu du portefeuille, faut il que l’exemple parte de si haut ?

Et d’une femme !

Non. J’aime mieux croire à une volonté étrangère qui inévitablement s’impose, et force de subir ces terribles exigences d’une situation à laquelle il faut tout sacrifier.

Il est des drames intimes dont on ne soupçonne pas toute l’étendue : des luttes qui se livrent avec le devoir et d’où celui-ci sort victorieux, mais au prix de bien des