Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La chaleur du jour est tombée et fait place à une brise tiède qui berce les feuilles en leur murmurant d’étranges choses. Avez-vous jamais compris ce bizarre langage ? ce que ce chant veut dire à la sombre ramure ? et ce qu’elle y répond dans son frissonnant trémolo ?…

Au firmament, les étoiles scintillent doucement et jettent de pâles clartés sur les eaux qui s’endorment. De temps en temps, un bruit s’élève encore. C’est le son cadencé des rames qui grincent sur les tollets des frôles embarcations.

Des groupes sont disséminés sur la pelouse. Peu à peu les conversations se font moins bruyantes. Tout est si calme, si grand dans la nature que cette splendeur majestueuse élève malgré soi.

Vous sentez que devant une telle scène, l’âme est prête à prendre des envolées sublimes dans l’infini de la voûte éthérée…

Oui, mais les maringouins se chargent du soin de nous rappeler bien vite sur la terre.

Pour échapper à leurs morsures ou pour y faire une heureuse diversion, on se promène ça et là, et on entame des conversations banales avec ces étrangers d’hier, ces indifférents de demain que le hasard vous a fait rencontrer.

J’eus cependant occasion de rompre la monotonie des lieux communs dans une tâche que la confraternité m’imposait : celle de défendre Pierre Sansfaçon des coups de scalpel portés contre lui par un jeune médecin de la rue St-Denis, qui essaya de me prouver par sel plus séné, que le Pierre Sansfaçon, dans une de ses chroniques, où il maltraite les jeunes Esculapes ayant étudié à l’étranger, avait commis un crime de lèse-patriotisme, de lèse… je ne sais trop quoi, car il y a beaucoup de partis lésés dans cette affaire.

À entendre parler mon bouillant interlocuteur, toute