Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XIX


LA MORT DE LÉOPOLD


C’est la fin d’une triste après-midi, le crépuscule envahit Saxon. Pour la première fois, depuis quinze jours qu’on l’a ramené d’Étreval, Léopold a quitté le lit. Assis dans son fauteuil, enveloppé de sa longue lévite de couleur brune, comme il convient aux Enfants du Carmel, et coiffé d’une calotte de soie noire, il tient sur ses genoux un panier de pommes de terre qu’il épluche pour le souper. À cette minute, il s’est arrêté dans sa besogne, il rêve, tandis que Marie-Anne, en face de lui, dans la même embrasure de fenêtre, fait de la dentelle. Les yeux à demi fermés, ses lunettes glissées sur le bout de son grand nez maigre, il demeure immobile avec une expression solennelle et regarde à travers les vitres le soir descendre