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INTRODUCTION

Déterminer l’époque à laquelle l’allitération proprement dite, qu’il ne faut par confondre avec le système de rimes symétriques intérieures des écrivains bretons du quatorzième siècle[1] a cessé d’être en usage en Bretagne, ne serait pas chose facile. Elle existe d’une manière assez régulière dans tout le chant mythologique de l’Enfant supposé, que sa grande popularité en Cambrie et en Armorique, nous a fait juger antérieur au dixième siècle. La Prophétie de Gwenc’hlan, la Submersion de la ville d’Is, la Marche d’Arthur, le Vin des Gaulois et la Danse du glaive, la Peste d’Elliant, Alain le Renard, mais surtout le Druide et l’Enfant, pièces dont le fonds appartient à la période savante de la poésie bretonne, sont également allitérées, en tout ou en partie. L’allitération jouait un grand rôle dans la prosodie des bardes gallois de cette époque. Comme la ballade du Rossignol, qui a été traduite en français au treizième siècle, n’est point allitérée ; comme celle de Bran, qui est dans le même cas, et l’Épouse du croisé, je le sont pas davantage, je suis porté à croire cette forme tombée en désuétude en Armorique au douzième siècle.

Le tercet ou la strophe de trois vers rimant ensemble, devait aussi ne plus exister à la même époque, car les trois dernières pièces que nous venons de citer n’en contiennent pas. Les druides paraissent s’en être servis pour transmettre leurs enseignements à leurs élèves ; au moins les seules de leurs maximes qui nous soient parvenues sont-elles renfermées dans des tercets. Le judicieux et savant critique Édouard Lhuyd la suppose le plus ancien rhythme dont les Bretons aient jamais fait usage. Nous sommes complètement de son avis, et nous le trouvons justifié par les monuments archaïques de leur poésie. Il est très-remarquable, en effet, que ce soit précisément la forme de ceux que nous avons tout lieu de croire antérieurs au dixième siècle.

  1. Cf, Le grand mystère de Jésus, introd., p. cj et Sainte-Nonne.