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les tombeaux des ancêtres, le paysan le plus respectable et l’ancien seigneur du canton, la jeune paysanne la plus sage et l’une des demoiselles du manoir, debout sur les degrés les plus élevés de la croix, renouvellent solennellement, au nom de la foule prosternée, en étendant la main, sur le livre des Évangiles, les saintes promesses du baptême. Ainsi, la religion confond tous les âges, tous les rangs, toutes les conditions, dans ces pieuses assemblées, qui pourraient s’appeler encore des « synodes privilégiés de fraternité et d’union. »

Des tentes sont dressées dans la plaine ; les pèlerins y passent la nuit ; on veille fort tard, on reste pour écouter les cantiques que vont chantant d’une tente à l’autre les bardes populaires. Ce jour est tout entier consacré à la religion. Les plaisirs profanes renaissent avec l’aurore et les sons du hautbois.

À midi, la lice s’ouvre ; l’arbre des prix, portant ses fruits comme le pommier ses pommes, ainsi que cela se dit, s’élève triomphalement au centre ; à ses pieds mugit la génisse, gage principal du combat, les cornes ornées de rubans. Les jeunes filles et les jeunes femmes, juges influents des joutes, apparaissent montées sur les arbres environnants, à demi cachées, comme des fleurs, dans le feuillage ; la foule des hommes reflue autour de l’enceinte ; mille concurrents se présentent. Des luttes, des assauts de vigueur ou d’adresse, des courses, et des danses sans repos ni trêve, remplissent la soirée.

La veille et l’avant-veille ont appartenu aux mendiants et aux autres chanteurs accourus de tous les cantons de la Bretagne ; cette nuit appartient aux kloer. C’est le dernier soir du pardon qu’ils chantent, pour les jeunes filles, leurs chansons d’amour les plus nouvelles et les plus douces, réunis par groupes sous de grands chênes,