Comme nous l’avons dit dans l’introduction de ce recueil, il est, parmi les chants populaires de la Bretagne, une pièce qu’on intitule : « Prédiction de Gwenc’hlan, » et que l’on attribue au barde de ce nom. Nous avons cité tout ce que les sources écrites nous ont fourni d’indications au sujet du barde. Voyons maintenant celles que nous offre la tradition actuelle.
Gwenc’hlan, disent les paysans bretons, fut longtemps poursuivi par un prince étranger qui en voulait à sa vie. Ce prince, s’étant rendu maître de sa personne, lui fit crever les yeux, le jeta dans un cachot, où il le laissa mourir, et tomba lui-même, peu de temps après, sur un champ de bataille, sous les coups des Bretons, victime de l’imprécation prophétique du poëte.
Vraie ou fausse, cette tradition s’accorde à merveille avec le chant suivant, que Gwenc’hlan passe pour avoir composé dans sa prison, quelques jours avant de mourir. Quoique ce chant appartienne au dialecte de Tréguier,je ne l’ai entendu qu’en Cornouaille ; il m’a été chanté, dans la paroisse de Melgven, par un mendiant appelé Guillou Ar Gall ; cependant il est aussi connu dans le nord de la basse Bretagne, où M. J. de Penguern a recueilli plusieurs fragments poétiques attribués au même barde, et quelques-uns de ceux qu’on va lire.