« J’entends cette nuit les aigles d’Eli... Ils sont ensanglantés ; ils sont dans le bois... Les aigles de Pengwern appellent au loin cette nuit on les voit dans le sang humain (1)[1]. »
Mais les bardes que nous venons de citer étaient tous plus ou moins chrétiens, et l’on doit croire que Gwenc’hlan ne l’était pas, en voyant la complaisance avec laquelle il dévoue la « chair chrétienne » aux aigles et aux corbeaux : on se rappelle qu’une tradition populaire lui fait dire : « Un jour viendra où les prêtres du Christ seront poursuivis; on les huera comme des bêtes fauves (2). »
Le carnage qu’on en fera, ajoute-t-il, sera tel « qu’ils mourront tous par bandes, sur le Menez-Bré ; par bataillons (3). »
Dans ce temps-là, dit-il encore, « la roue du moulin moulera menu : le sang des moines lui servira d’eau (4). »
« Ces choses arriveront bien avant la fin du monde ; alors la plus mauvaise terre rapportera le meilleur blé (5)[2]. »
(1)
Erer Eli a glevann henoes.
. . . . . . . . . . . . .
Erer Pengwern pell galv hed henoes.
. . . . . . . . . . . . .
Er goad gwir gweler.
(2)
Tud Jezus-Krist a wallgasor ;
Evel gouezed ho argador.
(3)
M’az marvint holl a strolladou,
War menez Bie, a vagadou.
(4)
Rod ar vilin a valo flour,
Gand goad ar venec’h eleac’h dour.
(5)
Abarz ma vezo fin ar bed ;
Falla douar ar gwella éd.
Enfin, la pièce, comme celles des bardes gallois, était primitivement allitérée. Elle offre des traces trop multipliées de ce système rhythmique, pour que ce soit l’effet du hasard.
Nous avons dit que le peuple l’attribue à Gwenc’hlan ; les deux derniers vers confirment celle opinion.