Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Celle tradition doit remonter au berceau de la race celtique, car elle est commune aux trois grands rameaux de cette race : les Bretons, les Gallois et les Irlandais; on la trouve localisée en Armorique, comme en Cambrie, comme en Irlande : le nom de Is qu’on donne au territoire submergé dans le premier de ces pays, de Gwaeleod qu’ira dans le second, de Neaz sous lequel il est connu dans le dernier, signifient tous trois bas ou creux[1], et attestent par conséquent une parfaite identité de lieu. Les Armoricains le font inonder par le débordement d’un puits ; les Gallois et les Irlandais, d’une fontaine. Selon les uns et les autres, la fille du roi est la cause de l’inondation, et Dieu la punit en la noyant, et en la changeant en sirène. Chose plus extraordinaire encore, la version galloise, qu’on a lieu de croire du cinquième siècle, et l’œuvre du barde Gwezno[2], dont le manuscrit du moins appartient au neuvième, contient deux strophes qu’on retrouve presque littéralement dans le poème armoricain ; la version galloise commence de la manière dont celui-ci finit. Quelqu’un vient réveiller le roi (le poëte l’appelle Seizenin) :

« Seizenin ! lève-toi ! et regarde ! la terre des guerriers, les campagnes de Gwezno sont envahies par l’Océan ! »

Puis le barde, comme le poëte armoricain, poursuit de ses malédictions la princesse :

« Soit maudite la jeune fille qui ouvrit après son souper l’huis de la fontaine, la barrière de la mer[3] »

« Maudite soit l’éclusière qui ouvrit, après le péché, la porte de la fontaine à une mer sans frein !

« Les gémissements des ombres se sont élevés des plus hauts sommets de la ville, et montent jusqu’à Dieu ; le besoin suit toujours l’excès[4] »

  1. Le Gonidec, Dictionnaire celto-breton, p. 294 ; — Owen Pughes, Welsh dictionnary, p. 140 ; — Edouard Lhuyd, Archeologia britannicaNeaz.
  2. L’Archaialogy of Wales le fait vivre de 460 à 520.
  3. Beet avendiget y morwen
    A helingaz goude he c'hoen
    Fennaoun fenestr, mor terven.

    (Myrvyrian, Archaiology of Wales, p. 163.)
  4. Id., ibid.