Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/285

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permis de le penser quand on a lu les vers où il calomnie indignement les Bretons, sous prétexte de peindre leurs mœurs[1].

Des deux guerriers mentionnés dans le poëme populaire, aucun ne se retrouve chez l’auteur latin. Il nous apprend seulement, et son témoignage est corroboré par celui d’Eginhard, que Louis le Débonnaire, ayant conquis Barcelone, fit prisonnier, et retint près de lui pour le servir[2], plusieurs des Maures qui habitaient la ville[3]. C’était d’ailleurs la mode à la cour des rois de cette époque d’avoir pour officiers des hommes de race noire. Le Maure du poëme populaire est donc certainement un personnage historique. L’auteur breton n’est pas moins d’accord avec tous les historiens du neuvième siècle, quand il suspend la tête ensanglantée du vaincu au pommeau de la selle de Lez-Breiz, qui l’emporte comme un trophée ; on trouve dans les chroniques du temps mille preuves de la persistance de cet usage barbare[4].

Je n’ai pu découvrir aucune allusion à l’autre guerrier dont Lez-Breiz triomphe, et dont le poète populaire a caché le nom sous l’injurieux sobriquet de Lorgnez (vilenie). Mais les paroles qu’on lui met à la bouche sont déjà trop bien celles que les écrivains de cette époque prêtent aux seigneurs franks discourant avec des Bretons, pour qu’il n’appartienne pas à l’histoire Son titre de marc’hek (chevalier), souvent répété dans la pièce et commun a Lez-Breiz lui-même, ne serait pas une raison de douter du fait  ; car on le trouve employé dans des actes contemporains[5], et il doit être pris uniquement dans le sens d’homme de cheval, et non de preux. Si l’on hésitait à le croire, la couleur blanche du bouclier que le poète breton fait porter, selon un usage du neuvième siècle, constaté par Ermold le Noir, à un des chevaliers qu’il nomme, trancherait toute difficulté[6].

  1. Coeunt frater et ipsa soror.
    (Ermoldi Nigelli, etc., p. 39.)
  2. Servitio regis...
    (Ermoldi Nigelli Carmen de rebus gestis Ludovici pii, lib. I ; ap. Scriptores rerum francicarum et gallicarum, t. VI, p. 23.)
  3. Complures Saraceni comprehensi ad praesentiam imperatoris deducti sunt.
    (Eginhardi Annales, ibid., p. 25.)
  4. Trucidaverunt et capita seorsum posuerunt. Vita sancti Conwoionis. Acta Benedict., sæc. IV, p. 199.)
  5. Brezel-Marc’hok testis. (Cartular. roton.
  6. Scuta candida. (Ermoldus, ibid., p. 42.)