Ce portrait traditionnel du chef dont le génie politique sauva l’indépendance bretonne est aussi fidèle, à son point de vue, que ceux de l’histoire elle-même. Celle-ci justifie par son esprit général, sinon par aucun trait précis et connu, l’exactitude de l’anecdote. Avant Noménoë, depuis dix ans au moins, les Bretons payaient le tribut aux Franks ; il les en délivre : voilà le fait historique. La couleur n’est pas moins vraie ; elle est bien de l’époque, ainsi que la langue de la pièce, en général[1]. Lorsque la tête du Frank chargé de recevoir le tribut tombe dans le bassin de la balance, où le poids manque, et que le poète s’écrie avec une joie féroce : « Sa tête tomba dans le bassin, et le poids y fut de la sorte ! » on se rappelle qu’il y a peu d’années, Morvan-le-soutien- des-Bretons disait, en frémissant de rage : « Il aura de moi ce qu’il me demande, cet empereur des Franks, je lui paierai le tribut en fer[2] ! »
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Si fortuna daret possim quo ceruere regem...
Proque tributali hæc ferrea dona dedissem.(Ermold. Nigell., ap. Scriptores rerum gall. et franc, t. VI, p. 46.)
- ↑ J’ai déjà signalé les titres de tiern, et de penderik ; j’indiquerai encore les mots, da, bon ; maour (aujourd’hui meur) grand ; bis, jamais ( qui se retrouve dans bis-koaz); la forme kleret-hui, entendez-vous ? de même que sellet-hu (maintenant contractée en setu, comme voyez ici, son équivalent français, l’est en voici) ; la préposition nemet ma, mais ; l’addition de l’article au nom propre {Ann Neumenoiou); enfin les verbes gwatc’hi, laver, et korna ann dour, corner l’eau, qui rappellent l’usage antique des ablutions, faites au son du cor, avant les repas, sont pareillement à noter.