Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Nos poëtes populaires ne réussissent jamais mieux que lorsqu’ils peuvent se mettre eux-mêmes naturellement à la place de leurs acteurs, et qu’ils ont a peindre quelques-uns des sentiments les plus énergiques des cœurs bretons : l’amour du pays, par exemple. Le poëme qu’on vient de lire en est une preuve bien frappante.

L’oiseau de la Mort (un petit oiseau gris qui chante, l’hiver, dans les landes, d’une voix douce et triste) prédit a la jeune fille ses malheurs, comme la corneille noire au berger de Virgile. Elle interroge son père, sa mère, tout le monde ; personne n’ose lui répondre. Enfin elle s’adresse a son frère, et la fatale vérité éclate comme la foudre ; elle l’apprend d’un cœur résigné ; Bientôt elle part sans se plaindre. Elle a contenu jusque-là sa douleur. Mais les cloches de la paroisse se font entendre ; elle n’y peut plus tenir ; son cœur se brise. Le poëte nous révèle ici une des plus chères affections du paysan breton ; ses cloches : ce sont pour lui comme des sœurs. Leur nomination est une fête pour la paroisse ; chacun se pare de ses plus beaux habits ; on chante, on boit, on danse jusqu’au coucher du soleil. Lorsque, durant la révolution, elles furent enlevées pour être jetées en fonte et faire des canons, la consternation fut générale ; on ne voyait au pied des clochers que des femmes et des enfants qui tombaient à genoux, en barrant le passage aux soldats et en criant miséricorde ; on aurait dit qu’un grand malheur menaçait le pays. Aussi pleurait-elle, la pauvre Tina, en entendant sonner, pour la dernière fois, les cloches de son village, et en leur faisant ses adieux. Mais où va-t-elle ? que veulent dire ces petites barques pleines de morts et ce lac de l’Angoisse et ces vallées du Sang ? En quel pays l’emporte son coursier noir ? en France. Tels sont les traits sous les quels le poète représente ce pays. Ces traits sont ceux que les anciens Bretons prêtaient, comme nous l’avons vu, à leur enfer. C’est la terre étrangère, tombeau du cœur et des joies de la patrie.

Comme pendant à l’histoire de Tina, victime de l’étranger français, nous allons citer l’histoire d’une autre paysanne, victime de l’étranger anglais.