Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/479

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Le seigneur Jean de Pontorson, dans sa chambre, chantait, en déposant son cor d’ivoire sur le banc de son lit :

— Biganna, ma gentille sœur, dites-moi une chose : Pourquoi me regardez-vous en soupirant ?

— Si vous saviez, cher seigneur ; si vous étiez à ma place, vous me regarderiez de même en soupirant ;

En soupirant, et vous auriez pitié de moi : dessous votre oreiller, il y a un poignard ;

Le sang du troisième homme qu’il a tué n’est pas encore séché ; hélas ! seigneur chevalier, vous serez le quatrième !

Votre argent, votre or et vos armes, tous vos effets, à l’exception de votre cheval roux, sont sous clef. —

Et lui de glisser la main sous l’oreiller, et de retirer le poignard, et il était rouge de sang.

— Biganna, chère sœur, sauve-moi la vie, et je te ferai riche de cinq cents écus de rentes.

— Je vous remercie , seigneur ; dites-moi seulement : Etes-vous marié, ou ne l’étes-vous pas ?

— Je ne veux, Biganna, vous tromper en aucune sorte : voilà quinze jours que je suis marié.

Mais j’ai trois frères qui valent mieux que moi ; s’il plaisait à votre cœur, de choisir entre eux ?

— Rien ne plaît à mon cœur, ni homme ni argent ; à mon cœur rien ne plaît que vous, mon beau seigneur ;

Suivez-moi ; le pont du château ne nous arrêtera pas  ; il ne nous arrêtera pas, le portier ; il est mon frère de lait. —

En sortant de la cour, le seigneur disait : — Montez, ma sœur, en croupe, derrière mon coursier ;