ou chiffonniers, les mendiants, et ces poëtes ambulants qui ont retenu le nom usurpé, incompris désormais, hélas ! et bien déchu, de barz (barde).
Personne, excepté les kloer et les prêtres, dont nous parlerons tout à l’heure, ne se trouve dans une position aussi favorable au développement des facultés poétiques ; personne n’est mieux fait pour jouer le rôle de chroniqueur et de nouvelliste populaire. Leur vie errante, l’exaltation de leur esprit, qui en est la suite naturelle, leurs loisirs, tout les sert merveilleusement.
La seule différence qu’il y ait entre l’existence du meunier et celle des autres chanteurs de ballades, c’est qu’il rentre chaque soir au moulin ; comme eux, du reste, il fait le tour du pays ; il traverse les villes, les bourgs, les villages ; il entre à la ferme et au manoir, il visite le pauvre et le riche ; il se trouve aux foires et aux marchés, il apprend les nouvelles, il les rime et les chante en cheminant ; et sa chanson, répétée par les mendiants, les porte bientôt d’un bout de la Bretagne à l’autre.
En effet, les mendiants, en cela semblables aux chanteurs populaires actuels de Galles, colportent et répètent plus souvent les chansons des autres qu’ils n’en composent eux-mêmes. Il est très-remarquable que, méprisés ailleurs et le rebut de la société, ces gens soient honorés en Bretagne, et presque l’objet d’un culte affectueux ; cette commisération toute chrétienne emploie les formes les plus naïves et les plus tendres dans les dénominations qu’elle leur donne ; on les appelle : bons pauvres, chers pauvres, pauvrets, pauvres chéris, ou simplement chéris ; quelquefois on les désigne sous le nom d’amis ou de frères du bon Dieu. Nulle part le mendiant n’est rebuté ; il est toujours sûr de trouver un asile et du pain partout dans le manoir comme dans la chaumière. Dès qu’on l’a entendu