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fois ils essayent de relever le mérite de leurs chants, en les accompagnant des sons très-peu harmonieux d’un instrument de musique à trois cordes, nommé rébek, que l’on touche avec un archet, et qui n’est autre que la rote des bardes gallois et bretons du sixième siècle[1].

On sait que ceux de ces poëtes qui étaient aveugles faisaient usage de certaines petites baguettes ou tailles, dont les coches, disposées d’une façon particulière, leur tenaient lieu de caractères, et fixaient dans leur mémoire les chants qu’ils voulaient y graver. Cette espèce de mnémonique s’appelait l’alphabet des bardes[2] ; plusieurs de nos poëtes ambulants aveugles s’en servent encore aujourd’hui pour se rappeler le thème et les diverses parties de leurs ouvrages.

On sait aussi qu’il était défendu aux bardes, par leurs propres lois, de s’introduire dans les maisons sans en avoir préalablement obtenu la permission, et qu’ils la demandaient en chantant à la porte[3]. C’est un usage auquel nos chanteurs ambulants ne manquent jamais de se conformer ; leur salut habituel est : « Dieu vous bénisse, gens de cette maison ; Dieu vous bénisse, petits et grands ; » ils n’entrent que lorsqu’on leur a répondu : « Dieu vous bénisse aussi, voyageur, qui que vous soyez. » Si on tarde à leur répondre, ils doivent passer leur chemin.

Enfin, comme les anciens bardes domestiques chez les

  1. Chrota britanna. (Venant. Fortunat., lib. VII, p. 170.) Marie de France la dit aussi populaire que la harpe :

    Fu Gugemer le lai trovez
    Que hom dist en harpe e en rote.

    (Poésies, t.1, p. 115.)

  2. Koelbren ë Beirz. (Jones, Musical and poetical Remains, t. III, p. 4.)
  3. Pennant, Tour in Wales, t. I, p. 459 et seq.