Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/75

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Comme ces vierges sacrées, les korrigan bretonnes prédisent l’avenir ; elles savent l’art de guérir les maladies incurables au moyen de certains charmes, qu’elles font connaître, dit-on, aux sorciers leurs amis ; protées ingénieux, elles prennent la forme de tel animal qu’il leur plaît ; elles se transportent, en un clin d’œil, d’un bout du monde à l’autre. Tous les ans, au retour du printemps, elles célèbrent une grande fête de nuit. Une nappe, blanche comme la neige, est étendue sur le gazon, au bord d’une fontaine ; elle est couverte des mets les plus exquis ; au milieu brille une coupe de cristal, qui répand une telle clarté, qu’elle sert de flambeaux. À la fin du repas, cette coupe circule de main en main ; elle renferme une liqueur merveilleuse, dont une seule goutte rendrait, assure-t-on, aussi savant que Dieu. Au moindre bruit humain tout s’évanouit.

C’est, en effet, près des fontaines que l’on rencontre le plus fréquemment les korrigan, surtout des fontaines qui avoisinent des dolmen ; elles en sont restées les patronnes, dans les lieux solitaires d’où la sainte Vierge, qui passe pour leur plus grande ennemie, ne les a pas chassées. Nos traditions leur prêtent une grande passion pour la musique, et de belles voix, mais elles ne les font point danser comme les traditions germaniques. Les chants populaires de tous les peuples les représentent souvent peignant leurs cheveux blonds, dont elles paraissent prendre un soin particulier. Leur taille est celle des autres fées européennes ; elles n’ont pas plus de deux pieds de hauteur. Leur forme, admirablement proportionnée, est aussi aérienne, aussi délicate, aussi diaphane que celle de la guêpe : elles n’ont d’autre parure qu’un voile blanc qu’elles roulent autour de leur corps. La nuit, leur beauté est grande ; le jour, on voit qu’elles ont les cheveux