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un chapelet ou un scapulaire, préservatif certain contre toute espèce d’êtres malfaisants. Les korrigan ne sont pas, au reste, les seuls génies qui dérobent les enfants ; on en accuse également les morgan ou esprits des eaux[1], aussi du sexe féminin : elles entraînent, dit-on, au fond des mers ou des étangs, dans leurs palais d’or et de cristal, ceux qui viennent, comme le jeune Hylas, jouer imprudemment près des eaux.

Leur but, en volant les enfants, est, disent les paysans, de régénérer leur race maudite. C’est aussi pour cette raison qu’elles aiment à s’unir aux hommes : pour y arriver elles violent toutes les lois de la pudeur[2] comme les prêtresses gauloises[3].

Les êtres qu’elles substituent parfois aux enfants des hommes sont comme elles de race naine et passent pour leur progéniture ; comme elles, ils portent les noms de korr, korrig et korrigan, qui s’appliquent aux deux sexes. On les appelle aussi kornandon, gwazig-gan (petit homme-génie), et duz ou lutin.

La puissance des nains est la même que celle des fées, mais leur forme est très-différente. Loin d’être blancs et aériens, ils sont généralement noirs, velus, hideux et trapus ; leurs mains sont armées de griffes de chat, et leurs pieds, de cornes de bouc ; ils ont la face ridée, les cheveux crépus, les yeux creux et petits, mais brillants

  1. Hinkmar de Reims (op., éd. de 1645, t. I, p. 654) et un auteur anonyme qui vivait en l’année 808, leur donnent, l’un le nom de Geniciales feminae, l’autre celui de geniscus, dans lesquels on retrouve le primitif celtique gwen ou gan. « Rustici credunt… ad infantes nocere possint, vel aquaticus, vel geniscus esse debeat. (Ducange, t. II, v° Aquaticus )» Geniscus, de genius, Alp. (Irische Elfenmarchen,
  2. V. le Seigneur Nann et la Fée, p. 43.
  3. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. II, p. 93.