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sons-nous aucun chant vraiment populaire où cela ait lieu. En général elles satisfont l’oreille ; quelquefois elles ne présentent qu’une simple assonance ; on remarquera qu’elles sont d’autant plus riches que le sujet du chant appartient à une époque plus reculée.

Telle est aujourd’hui la prosodie bretonne ; mais elle a eu d’autres traits qu’elle a perdus et dont plusieurs monuments qui nous restent portent des traces évidentes. Outre la rime, elle a employé l’allitération, c’est-à-dire l’accord harmonieux des consonnes entre elles dans un même vers[1] ; outre des distiques et des quatrains, elle a eu des tercets, formes artificielles, essentiellement opposées au génie de la poésie populaire et qu’elle tenait des anciens bardes.

Déterminer l’époque à laquelle l’allitération, récemment introduite dans la poésie française par un des esprits de ce temps les plus curieux de forme et d’art[2], a cessé d’être en usage en Bretagne, ne serait pas chose facile. Elle existe d’une manière assez régulière dans tout le chant mythologique de l’Enfant supposé, que sa grande popularité, en Cambrie et en Armorique, nous a fait juger antérieur au dixième siècle. La Prédiction de Gwenc’hlan, la Submersion de la ville d’Is, la Marche d’Arthur, le Vin des Gaulois et Chant de l’épée, la Peste d’Elliant, Alain le Renard, mais surtout le Druide et l’Enfant, pièces dont le fond appartient à la période savante de la poésie bretonne,


  1. Homère ne l’a pas dédaigné toujours, et nous pourrions lui emprunter des exemples ; en voici un lire de l’ancienne poésie italienne :

    Et brava breve in eterno notturno ;
    A mortali amar taie spento et spinto ;
    Et capo corpi de una et diurno.

  2. M. Sainte-Beuve.