français[1] comme ceux qu’il doit au grec, au latin et aux idiomes germaniques avec lesquels il a été en contact immédiat pendant plusieurs siècles, il les a modifiés selon son génie particulier, de manière à se les rendre propres.
Si maintenant nous avançons qu’au sixième siècle, la langue bretonne était à peu près telle qu’elle est aujourd’hui, le lecteur ne pourra prendre notre assertion pour un paradoxe, car nous l’avons mis à même d’en juger en mettant en regard d’un texte du sixième siècle le même texte dans le breton moderne[2]. Pas un nom, pas un verbe, pas un adjectif, qui n’occupent la même place en vertu de règles communes, ou qui puissent être déplacés, sans violer ces règles ; il ne manque aux deux pièces pour offrir une parfaite identité, que d’avoir été écrites dans le même dialecte. Non-seulement les mots du texte cité, excepté quatre, se trouvent dans tous les dictionnaires de la langue bretonne, mais encore ils sont journellement employés par les paysans des divers cantons de la Bretagne, dont le moins intelligent comprendrait les vers du vieux barde, et ces quatre mots eux-mêmes, qui manquent dans quelques vocabulaires, sont encore en usage parmi le peuple du pays de Tréguier, colonie galloise, et sur les frontières du Morbihan, où Taliesin passa la moitié de sa vie.
- ↑ Il va sans dire que nous ne parlons ici que du breton tel qu’il existe dans la bouche du peuple des campagnes et dans nos poésies populaires, et non du breton des manoirs, des villes, ou de celui de plusieurs de nos respectables» ecclésiastiques, qui, jusqu’ici, pour la plupart, ne se piquaient pas d’être puristes. Mais, grâce aux lumières et au patriotisme intelligent de Mgr Graverand, évèque actuel de Quimper, le premier prélat breton qui ait pris hautement en main les intérêts de, notre langue nationale, un mouvement philologique très-remarquable se manifeste depuis quelques années.
- ↑ Voyez page xx de cette introduction ; et, pour la valeur de tous les textes gallois, mon Examen critique des sources bretonnes (Contes populaires des anciens Bretons, t. II, p. 301).