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LES BLEUS.


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ARGUMENT.


Les Bretons, dont la royauté absolue avait opprimé les pères, dans sa force, comme indépendants, entendirent la défendre, comme royalistes, dans sa faiblesse, sans lui rien demander, sans rien recevoir d’elle. Leurs frères des montagnes du pays de Galles et de l’Écosse, eux aussi, victimes d’une monarchie toute-puissante qui voulait s’incorporer violemment les peuples libres de l’Angleterre, n’avaient pas servi autrement les Stuarts malheureux. Conservateurs armes de l’ordre fondé par le temps, la défense de la liberté religieuse, de la liberté civile et de l’institution monarchique, contre leurs parodies sanglantes, devint l’objet qu’ils poursuivirent à travers les échafauds et les baïonnettes de la terreur. La tyrannie révolutionnaire ne les trouva pas plus disposés à courber la tête que ne les avait trouvés il toutes les époques la tyrannie des rois ; ils marchèrent le front levé au-devant des maîtres nouveaux, en hommes dont le cri de guerre était depuis douze cents ans : « On ne meurt jamais trop tôt, quand on meurt pour la liberté ! » À ce cri des anciens bardes, répété et prolongé par tous les échos de la Bretagne, la poésie nationale s’éveilla ; elle entonna ses vieux chants de guerre, en saluant de chants nouveaux l’étendard de l’indépendance. Fille du peuple, elle n’eut guère qu’un thème : les malheurs et les espérances du peuple. Elle fit des héros de ces paysans que les conventionnels traitaient dans leurs rapports « d’animaux à face humaine, » qu’ils ordonnaient de traquer et de « tuer comme des bêtes fauves, » et qui les jetaient dans la stupeur par des paroles telles que celles-ci : « Guillotinez-nous donc bien vite pour que nous ressuscitions dans trois jours[1] ! »

Mais laissons les poètes populaires nous tracer encore le tableau de cette lamentable époque : le Prêtre exilé vient de la peindre a sa manière : écoutons maintenant un jeune paysan qui s’est fait soldat.

  1. Rapport de Camille Desmoulins, Histoire des Brissotins, p. 60.