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XXII


LES BLEUS.


( Dialecte de Cornouaille. )


J’entends les chiens qui hurlent ! voilà les soldats français ! fuyons vers les bois ! chassons devant nous nos troupeaux !

Aurons-nous toujours à souffrir, hommes de Cornouaille, toujours à souffrir les brigands qui oppriment les laboureurs ?

Ils ont déshonoré nos belles jeunes filles, tué la mère et l'enfant et l'homme ; ils ont tué jusqu’aux pauvres malades à cause de leurs mains blanches[1].

Ils ont incendié les maisons des pauvres ; ils ont démoli les manoirs ; ils ont brûlé les blés, brûlé les foins, dans les champs et dans les prairies.

Ils ont coupé les arbres fruitiers de nos vergers, et ils en ont fait du feu ; si bien qu’il n’y aura plus ni pommes, ni cidre d’ici à neuf ou dix ans.

Ils ont volé nos bœufs et nos vaches et nos génisses, hélas ! et ils les ont conduits pêle-mêle, avec les propriétaires, dans les grandes villes, au boucher.

Ils ont volé jusqu’aux vases sacrés des églises, abattu jusqu’à nos clochers, détruit jusqu’à nos ossuaires, et dispersé les reliques.

Ils ont ravagé les belles vallées de la basse Bretagne, jadis si grasses et si vertes ! tellement qu’on n’y entend plus la voix ni de l’homme, ni des troupeaux.

  1. On reconnaissait à ce signe les personnes des classes supérieures.