Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XII


LE MAL DU PAYS.


( Dialecte de Cornouaille. )


Les ancres sont levées ; voici le flik-flok ; le vent devient plus fort; nous filons rapidement; les voiles s’enflent ; la terre s’éloigne ; hélas ! mon cœur ne l’ail que soupirer.

Adieu à quiconque m’aime, dans ma paroisse et aux environs ; adieu, pauvre chère petite, Linaik, adieu! je te fais ces adieux en te quittant; peut-être, hélas! est-ce pour toujours.

Comme un petit oiseau enlevé dans le bois par un épervier d’auprès de sa compagne, dans la saison où ils allaient s’accoupler, je n’ai guère le temps de songer à l’étendue de mon malheur, si vite l’on m’enlève à qui m’aime.

Comme un petit agneau éloigné de sa mère, je ne cesse de pleurer et de pousser des gémissements, les yeux toujours tournés vers le lieu où tu es restée, ô ma douce amie !

Bientôt mes yeux ne verront plus que la mer, qui tremble sous moi, qui bondit et qui s’ouvre ; et qui, lorsque je pense que tout est fini pour moi, et que je suis au fond de l’abîme, me lance vers le ciel.

Quand j’entrai dans le vaisseau, mon étonnement fut grand de voir une espèce de château balancé sur la mer bleue; quatre-vingts canons, quarante sur chaque bord, tachetés de blanc et peints en noir ;