Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/421

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Pour vêtement, la peau d’une génisse tachetée, une branche tordue pour ceinture ; pour boisson, l’eau noire de la mare ; et pour nourriture, du pain cuit sous la cendre.

Lorsque sa dernière heure fut venue, et qu’il eut quitté ce monde, deux bœufs blancs furent attelés à une charrette, et trois évêques le conduisirent en terre ;

Arrivés sur le bord de la rivière, ils trouvèrent Kéban, décoiffée, qui faisait la buée pour des gens du village, sans égard pour le sang de Jésus notre Sauveur[1].

Et elle de lever son battoir, et d’en frapper un des bœufs à la corne, si bien que le bœuf bondit épouvanté, et eut la corne arrachée du coup.

— Retourne, charogne, retourne à ton trou ! va pourrir avec les chiens morts ! on ne te verra plus, à cette heure, te moquer de nous. —

Elle avait encore la bouche ouverte, que la terre l’engloutit parmi des flammes et de la fumée, au lieu qu’on nomme la tombe de Kéban.

Le convoi poursuivait sa marche, lorsque les deux bœufs s’arrêtèrent tout court, sans vouloir avancer ni reculer.

C’est là qu’on enterra le saint : on supposa que telle était sa volonté ; là, dans le bois vert, au sommet de la montagne, en face de la grande mer.


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  1. Qui fait la lessive le vendredi, cuit dans l’eau le sang du Sauveur.
    (V. la ballade de Iannik Skolan, 2e partie.)