Arthur joue un rôle assez important dans la vie de saint Efflamm, pour que j’entre en quelques détails à son sujet. Ils pourront d’ailleurs nous éclairer sur l’époque où cette vie a été mise en vers. Sa légende offre quatre âges qu’il est nécessaire de ne pas confondre : un âge mythologique, un âge historique, un âge héroïque et un âge chevaleresque. L’avant-dernier, qui date probablement de plus loin dans la tradition orale, commence au dixième siècle, avec Nennius. Le chroniqueur latin prend le moyen terme entre les récits où Arthur est peint comme un dieu, et ceux où on le représente comme un illustre guerrier. Ainsi, en le rendant vainqueur en douze combats, en lui faisant tuer de sa propre main quatorze cent quarante guerriers saxons, il avoue qu’il y avait dans l’île de Bretagne beaucoup de chefs plus nobles que lui ; il se contente d’ajouter à son nom l’épithète de belliqueux, et de lui donner le titre de chef de guerre ou de généralissime[1], comme les bardes du sixième siècle.
Mais à la fin du onzième siècle, nous sommes en plein chevaleresque. La chronique armoricaine des rois bretons, et toutes les chroniques, soit galloises, soit latines, à qui elle a servi de base, transforment le petit chef cambrien en puissant souverain féodal, en héros de chevalerie.
Les Bretons de l’île et ceux de l’Armorique ont attribué au chef cambrien l’immortalité qui devait être l’apanage de leur vieille divinité ; ils n’ont jamais cru à sa mort, et n’ont jamais cessé d’espérer en son retour.
Nous allons trouver l’auteur de la légende de saint Efflamm sous l’empire de cette croyance.
- ↑ Belliger Arthur... licet multi ipso nobiliores essent... dux belli fuit... (Nennius, éd. de Gunn, p. 80.)