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à dire !) mêlé au sang de l’étranger lui-même ; d’autre part, les danses auxquelles il se livre sont saintes : et ces danses, ce vin, ce sang, il les offre en holocauste au soleil qui le bénit et lui sourit.

Pour qu’il puisse distinguer un jour le bien du mal, il faudra qu’un autre soleil l'éclaire, qu’un enseignement nouveau modifie celui qu’il a reçu, qu’une nouvelle loi vienne régler ses nobles instincts et mettre un frein à ses passions mauvaises. Cette loi, il la subit, et le premier cri qui s’échappe au jour de la bataille, de son cœur où la foi du Christ commence de germer, est un défi jeté à la mort, du milieu des eaux sanglantes du baptême, une hymne où la résignation chrétienne triomphe déjà du fatalisme païen[1]. Le même sentiment éclate eu ses paroles, quand la peste désole sa patrie : « La peste est au bout de ma maison, lorsque Dieu voudra, elle entrera, dit-il ; lorsqu’elle entrera, je sortirai[2]. » Toutefois, le christianisme pratique n’a pas encore pénétré dans ses mœurs ; les Hébreux étaient moins éloignés de la doctrine évangélique, ils disaient : « œil pour œil, et dent pour dent. » Lui, le dis. ri pie des druides, il s’écrie, tout chrétien qu’il est : « Cœur pour œil, et tête pour bras[3]. »

Ce langage atroce, justifié à ses yeux par l’amour du pays, il le tient et le traduit en actions pendant toute son enfance et pendant toute sa jeunesse. « Il voudrait, dit-il, écraser le cœur du roi ennemi entre la terre et son talon ; » et. bravant une mort certaine, il marche seul contre mille ; il suspend en trophée, au pommeau de la selle de son cheval, puis à la porte de sa maison, la tête de l’étranger vaincu ; il rit (et serait blâmé de ne pas rire), il rit de tout son cœur en voyant l’herbe verte rougie du sang des oppresseurs de sa nation ; il se couche parmi leurs cadavres comme un lion rassasié au milieu d'un troupeau de moutons égorgés, et il se délasse en les regardant[4].

  1. T. 1, p. 87 et suiv.
  2. Ibid., p. 91.
  3. Ibid., p. 87.
  4. Ibid., p. 149 et suiv.