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V


CARNAVAL DE ROSPORDEN.


( Dialecte de Cornouaille. )


Le vingt septième jour du mois de février de l’année mil quatre cent quatre-vingt-six, pendant les jours gras, est arrivé un grand malheur dans la ville de Rosporden. — Écoutez, chrétiens !

Trois jeunes débauchés étaient en une hôtellerie, où le vin qu’ils buvaient à plein pot faisait bouillir leur sang. Quand ils eurent assez bu et assez mangé : — Habillons-nous de peaux de bêtes et allons courir ! —

L’un de ces trois garçons, le plus chétif, voyant ses camarades s’éloigner, s’en alla droit au cimetière, et plaça sur sa tête, sur sa tête le crâne d’un mort ! C’était horrible à voir !

Et dans les trous des deux yeux, il mit deux lumières, et s’élança comme un démon, à travers les rues. Les enfants tout effrayés fuyaient devant lui, et les hommes raisonnables eux-mêmes s’éloignaient à son approche.

Ils avaient fait leur tour sans se rencontrer, quand ils arrivèrent tous trois ensemble, dans un coin de cette ville.

Et eux, alors, de hurler, et de bondir, et de railler tous trois. — Seigneur Dieu ! où es-tu ? Viens t’ébattre avec nous ! —

Dieu, fatigué de les voir, frappa un si grand coup, qu’il fit trembler toutes les maisons de la ville ; tous les habitants se recueillirent dans leur cœur, croyant que la fin du monde était venue.