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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

La tradition donne au capucin cité plus haut le nom de Père Morin (Ann tad Morin), et lui attribue la ballade ; mais nous pensons que c’est par erreur, car le Père Morin a dû mourir vers 1480. Le peuple en a fait un prophète : c’est lui qui prédisait aux Bretons leur union à la France, en punition de leurs péchés :

« Quand le ciel est rouge le soir, s’écriait-il un jour, vous dites : La tempête viendra. Eh bien, regardez du côté du pays des Franks ; l’horizon est en feu. En vérité, en vérité, je vous l’annonce, encore un peu de temps, et l’un verra le roi de France et le duc de Bretagne chevaucher en même selle et sur même cheval ! » S’il est l’auteur de la ballade, ce qui supposerait une erreur de quelques années dans la date qu’elle porte, nous le soupçonnerions fort d’avoir embelli l’histoire. Nous avons entendu, il est vrai, raconter aux vieilles gens de Rosporden qu’un jeune homme de cette ville fut trouvé mort, un surlendemain de mardi gras, des suites du carnaval, pendant lequel on l’avait vu parcourir la ville la fête dans le crâne d’un mort ; mais ils ne disent mot de l’apparition merveilleuse, qui semble appartenir à une tradition antérieure, également populaire en Allemagne, en Espagne et en France. Le caractère de notre don Juan en sabots ne nous paraît pas moins fortement empreint de puissance et d’horreur que le type élégant et poli des scènes allemande, espagnole et française. Leur création appartient à une civilisation avancée ; la nôtre, à un peuple dans toute la vigueur de ses mœurs primitives. Chez les uns, ce n’est qu’une statue outragée qui se meut, parle et punit ; c’est le mort en personne, chez les autres, qui vient tirer vengeance de celui qui a osé profaner son crâne, son crâne baptisé, tout ce qu’il y a de plus sacré pour un Breton, après Dieu, la Vierge et les saints.