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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Mardi 14 mars. — Je crois avoir promis à Pietro de monter à cheval. Nous le rencontrons en habit de couleur et petit chapeau ; le pauvre petit était en fiacre.

— Pourquoi ne demandez-vous pas à votre père des chevaux ? lui dis-je.

— J’ai demandé, mais si vous saviez comme les A… sont durs.

J’étais vexée de le voir dans un misérable fiacre.


Aujourd’hui nous quittons l’hôtel de Londres, nous avons pris un grand et bel appartement au premier à l’hôtel de la via Babuino. Antichambre, petit salon, grand salon, quatre chambres à coucher, studio et chambres de domestiques.


16 mars. — Vers dix heures arrive Pietro. Le salon est très grand et très beau ; nous avons deux pianos, un à queue et un petit. Je me mis à jouer doucement une romance sans paroles de Mendelssohn et A… se mit à me chanter sa romance à lui. Plus il y mettait de sérieux et de chaleur, plus je riais et plus j’étais froide.

Il m’est impossible de me figurer A… sérieux.

Tout ce que dit celle qu’on aime paraît adorable, je suis amusante quelquefois pour les indifférents, à plus forte raison pour ceux qui ne le sont pas. Au milieu d’une phrase toute de tendresse et d’amour, je disais quelque chose d’irrésistiblement drôle pour lui, et il se mettait à rire. Alors je lui reprochais ce rire, disant que je ne pouvais pas croire à un enfant qui n’était jamais sérieux et qui riait de tout comme un fou. Et comme cela plusieurs fois, de manière à l’exaspérer. Et il s’est mis à raconter comment cela a com-