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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Reposons mon esprit fatigué par tous ces bonds vers l’infini, Revenons à A…, et encore cela ! Un enfant ! Un misérable !

Non ! ne serait-ce pas plutôt qu’il ne m’aime pas tout à fait ?

Il m’aime comme je l’aime. Oh ! alors, ça ne vaut pas la peine d’en parler… Non. Le principal, c’est que je laisse ici mon journal.

Voilà ce cahier terminé ! Arrivée à Paris, j’en commencerai un autre qui me suffira sans doute pour la Russie.

Personne ne fera attention à un cahier à la douane.

J’emporte la dernière lettre de Pietro.

Je viens de la relire. Il est malheureux ! Aussi pourquoi n’a-t-il pas plus d’énergie que cela ?

J’en parle bien à mon aise, moi, dans ma position despotiquement exceptionnelle, mais lui ?… Et ces Romains !… C’est quelque chose d’inouï.

Pauvre Pietro ! Ma gloire future m’empêche d’y penser sérieusement. Il semble qu’elle me reproche les pensées que je lui consacre.

Chère divinité, rassure-toi. Pietro n’est qu’un amusement, une musique pour couvrir les lamentations de mon âme. Et cependant je me reproche d’y penser, puisqu’il ne me sert à rien ! Il ne peut pas même être le premier échelon de cet escalier divin au haut duquel se trouve l’ambition satisfaite.

Grand Hôtel. — Paris, 4 juillet.

Amor, ut lacryma, oculo oritur in pectus cadit.
Publius Syrus.


Mercredi, 5 juillet. — Hier à deux heures, j’ai quitté Nice avec ma tante et Amalia (ma femme de chambre).