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JOURNAL

comme il me regardait dans les yeux d’un air intime, je répondis aussi à voix basse et avec un regard de franc remerciement et un sourire amical. Quelques minutes après, je dis tout haut : — A la santé de maman ! Et on a bu de nouveau. M… guettait mes moindres gestes et cherchait visiblement à se conformer à mes opinions, à mes goûts, à mes plaisanteries même. El je me plaisais à en changer pour l’embarrasser. Il m’écoutait toujours et finit par s’écrier : — Ah ! mais elle est charmante ! avec tant de naïveté, de naturel et de plaisir que cela me fit plaisir à moi-même.

Nadine rentra en calèche avec papa, et moi, j’allai chez elle et nous avons bavardé à l’aise. Chère Moussia, disait mon oncle Alexandre, tu m’as enchanté ; ta conduite digne avec tes parents et surtout avec ton père m’a ravi. Je craignais déjà pour toi, mais si tu continues, tout ira bien, je te l’assure

!

Oui, dit Paul, si tu restes seulement un mois, tu domineras notre père et ce sera un vrai bonheur pour nous tous.

Mon père a pris une chambre à côté de la mienne, à droite, et dans mon antichambre il fit coucher son domestique.

J’espère qu’elle est bien gardée, dit-il à mon oncle. Vous savez je suis un bon vivant, un homme gai, mais du moment que sa mère me la confie, je justifierai celte confiance et je remplirai mon devoir d’une manière sacrée. Hier j’ai pris vingt-cinq roubles à mon père pour avoir le plaisir de les lui rendre aujourd’hui. Nous sommes partis dans le même ordre qu’hier.