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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Samedi 22 janvier. — Dina s’est fait coiffer par un coiffeur, moi aussi ; mais cet affreux animal m’arrange hideusement. En dix minutes je change tout et nous partons pour le Vatican. Je n’ai jamais rien vu de comparable aux escaliers et aux chambres que nous traversons. Comme à Saint-Pierre je ne trouve rien à critiquer. Un domestique tout habillé de damas rouge nous conduit dans une longue galerie adorablement peinte, avec des médaillons en bronze incrustés, dans les murs et des camées. À droite et à gauche sont des chaises assez dures, et au fond le buste de Pie IX, au-dessous duquel se trouve un bon fauteuil doré, en velours rouge. L’heure fixée était onze heures trois quarts, mais à une heure seulement la portière s’ouvre et après quelques gardes, des officiers en uniforme, et entre plusieurs cardinaux, paraît le Saint-Père, habillé de blanc avec un manteau rouge, et s’appuyant sur une canne à pomme d’ivoire.

Je le connaissais bien par ses portraits, mais en réalité il est beaucoup plus vieux, tant que sa lèvre inférieure pend comme chez un vieux chien.

Tout le monde s’est mis à genoux ; le pape s’approcha premièrement de nous et demanda qui nous étions ; un cardinal lisait les lettres d’audience et lui disait les noms.

— Russes ? Alors de Pétersbourg ?

— Non, Saint-Père, dit maman, de la Petite-Russie.

— Ces demoiselles sont à vous ? demanda-t-il encore.

— Oui, Saint-Père.

Nous étions à droite ; ceux du côté gauche étaient à genoux.

— Relevez-vous, relevez-vous, dit le Saint-Père.

Dina voulut se relever.