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JOURNAL

lire cinq journaux et deux livraisons de Duruy. Je crains que ces succès d’école ne me nuisent, je suis presque honteuse que cela marche bien et parce qu’on me dit : beaucoup mieux ou très bien, je ne sens, ni la difficulté, ni le progrès ; et quand on le dit à Breslau, il me semble qu’elle est une grande artiste. Voilà ce qui devrait rassurer un peu. JOURNAL

Dimanche 3 novembre. Maman, Dina, Mme X***

et moi, nous nous promenons ensemble. On veut me marier, mais pour qu’on ne se serve pas de moi pour enrichir quelque monsieur, je déclare nettement que je veux bien me marier avec plaisir, mais à condition que ce monsieur soit riche,. en belle position et beau, ou bien, un homme intelligent, remarquable, etc. Quant au caractère, fåt-ce le diable, je m’en charge. Mmo G… parle des arts d’une façon si profane que je m’en irai si elle en reparle devant moi. Elle cite des dames qui font de la peinture chez elles, qui ont des professeurs, et elle dit que je pourrai en faire autant quand je serai mariée. Dans ces tons détachés de la femme du monde, de la bourgeoise, il y a quelque chose d’affreusement brutal, qui fait honte à tous les sentiments artistiques et élevés. Vous comprenez, je me fais un raisonnement sensé et parfaitement juste. Je tâcherai de faire le mariage de mes rêves d’abord. Si je n’y arrive pas, je me marierai, comme tout le monde, à l’aide de ma dot. Me voilà donc tranquille. Il faut songer, en se mariant, que ce n’est pas un appartement qu’on loue par mois,. mais une maison’ qu’on achète : il faut qu’on y trouve toutes ses aises, et on ne peut pas passer par-dessus quelques chambres de moins, comme dans un logis de louage, et une