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JOURNAL

Je suis ravie ; les rues étaient pleines d’éludiants qui sortaient des écoles ; ces rues étroites, ces boutiques de luthiers, tout cela enfin. Ah ! sapristi, j’ai compris la magie, si l’on peut s’exprimer ainsi, du quartier Latin. Je n’ai de la femme que l’enveloppe, et cette enveloppe est diablement féminine ; quant au reste, il est diablement autre chose. Ce n’est pas moi qui le dis, puisque je m’imagine que toutes les femmes sont comme moi,

Parlez-moi du quartier Latin, à la bonne heure ! c’est là que je me réconcilie avec Paris ; on se croirait loin, piesque en Italie… ; dans un autre genre, je m’entends.

Les gens du monde, autrement dit les bourgeois, ne me comprendront jamais. Aussi c’est aux nótres que je m’adresse.

Jeunes misérables, lisez-moi ! Ainsi ma mère est horrifiée de me voir dans une boutique où on voit des choses… oh ! des choses ! Des « paysans nus ». Bourgeoise ! quand je ferai un beau tableau, on ne verra que la poésie, la fleur, le fruit. On ne songe jamais au fumier. Je ne vois que le but, la fin. Et je marche vers ce but.

J’adore aller chez des libraires et des gens qui me prennent, grâce à mon costume modeste, pour une Breslau quelconque ; on vous regarde d’une certaine façon bienveillante, encourageante, tout autrement qu’avant.

Un malin je suis allée avec Rosalie à l’atelier, en fiacre. Pour le payer je lui donne une pièce de vingt francs.

— Oh ! ma pauvre enfant, je n’ai pas à vous rendre.