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JOURNAL

dans toute sa splendeur et tout son éclat ; cette richesse inouie de tons ! comment expliquer que ces splendeurs me soient apparues jusqu’ici comme des grandes toiles ternes, grises et plates ?… Ce que je ne voyais pas, je le vois à présent… Les toiles célėbres, que je regardais par respect humain seulement, me charment et me retiennent ; je sens les finesses du coloris, j’apprécie la couleur, entfin !  ! Un paysage

sur mes pas… Il y a quelques mois, je ne voyais là rien de ce que j’y vois ce matin : —de l’air véritable… de l’espace,

la nature vivante. Eh bien, puisque toutes ces beautés que je ne voyais pas, je les vois à présent, c’est que mes yeux se sont exercés ; il se peut donc que le même phénomène se produise dans la main. Je ne veux pas dire que, jusqu’à l’Espagne, j’ai été absolument de bois, mais il est certain que ce voyage m’a ôté un voile des yeux… Eh bien, maintenant, il faut travailler à l’atelier ; je fais assez de choses indépendantes pour m’assouplir la main pour le moment ; à présent, il faut devenir un exécutant de première de Ruysdael m’a fait revenir deux fois enfin, ce n’est pas de la peinture, c’est force et faire un tableau… Dimanche 23 avril.

Je viens de passer quelques minutes devant mes études de Nice. La seule pensée que peut-étre on y trouvera quelque chose de bon me fait passer un frisson dans le dos. Car Tony, Julian, Bastien me paraissent si mesquins, si peu de chose à côté de l’effet immense que peuvent produire pour moi leurs paroles ! Il n’y a de vraies anxiétés et de vrais bonheurs que dans les choses de la gloire. Quel grand mot ! Ma vie ne se dessine pas. Lundi, j’irai à l’atelier pour