Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
360
JOURNAL

lement ; mais il y a irois ans que je peins, moil mais il y a plus de cinq ans qu’elle peint, elle. Dimanche 30 avri !. —Dès le matin, je suis au vernissage avec Villevieille, Alice et Webb. En noir, très gentille. Je m’amuse à voir que je connais pas mal de monde dans ce tout Paris. Carolus Duran vient me parler très aimable cet homme est un charmeur. Le tableau de Breslau est placé tout en haut et fait un effet déplorable. J’étais si inquiète du succès qu’elle devait avoir, que c’est un grand soulagement ; je ne le cache pas. Les intimes éplorés viennent savoir mon opinion, et je leur dis que ce n’est pas beau, mais qu’on aurait dů lui donner une meilleure place. Le résultat de cette brillante journée, c’est notre conversation avec Julian, où il me reproche de me gaspiller, de ne pas justifier les magnifiques promesses…, etc. Enfin, il me croit noyée, moi aussi, et nous allons tâcher de me repêcher ; je lui dis bien que je me rends compte de cet état déplorable et que cela me désespère et que je me crois finie ; il me rappelle comme j’étais forte et qu’une ébauche qu’il a arrête tout le monde chez lui… et enfin. Ah ! mon Dieu, sortez-moi de là, sortez-moi de là ! Dieu, j’allais dire que… Dieu était bon pour moi en permettant que je ne sois pas lout à fait tuée par Breslau, au moins pour aujourd’hui. Enfin, je ne sais comment dire pour que cela n’ait pas l’air d’un sentiment bas. Si le tableau avait été comme je me suis imaginé, ce serait ma fin… dans l’état piteux où se trouve mon travail… Je n’ai pas un seul instant souhaité que ce fût mauvais, ce serait ignoble ; mais je tremblais tant de voir éclater un formidable succès ; j’avais de telles émotions en ouvrant les journaux, que Dieu a eu peul-êlre pitié de moi…