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JOURNAL

je ne sais plus ce que je fais… J’irai chez une tireuse de cartes, chez la mère Jacob qui m’a prédit que je serais très malade.

Pour 20 francs, je viens de m’acheter du bonheur pour deux jours au moins. La mère Jacob me prédit des choses ravissantes, un peu embrouillées… Mais ce qui revient avec insistance, c’est que je vais avoir un succès énorme, éclatant, les journaux en parleront ; un grand talent que j’aurai… et puis un grand changement heureux, mariage très beau, beaucoup d’argent et de voyages, de grands voyages. Je vais me coucher dans une joie bébėte si vous voulez, mais ça ne m’a coûté que 20 francs. Je n’irai pas en Russie, mais à Alger…, car si ça doit arriver, ça arrivera aussi bien la qu’en Russie… Bonsoir, ça m’a fait du bien, je travaillerai bien demain.

Mardi 5 septembre. — Il pleut tous les jours. C’est désespérant pour moi, qui ai envie de travailler dehors. J’ai fini une petite fille avec un parapluie, c’est mauvais et la petite avait une tête odieuse ; une de ces petites gamines de neuf ans, jolie et antipathique comme tout.

Alors j’ai été à l’asile et je n’ose pas entreprendre deux petits garçons à la fois ; je serais forcée de mal finir, il faut compter huit jours pour chaque téte. Et si je faisais les hommes du café ?… Je ne sais plus ; les choses me frappent et puis… Nature mal équilibrée, tête à l’envers, et avec ça… Enfin une folle qui a conscience !…