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JOURNAL

Un brave sculpteur ayant emporté sa petite boite s’est mis à l’ouvrir, sitôt à sa place et à eu un beau sourire heureux, involontaire, comme le sourire d’un enfant.

Moi, j’ai été un peu émue aussi en regardant les autres, et il m’a semblé un instant que ce serait chose effrayante que de se lever et de s’approcher de cette table.

Ma tante et Dina étaient assises derrière moi sur une banquette, car les récompensés ont droit à des chaises… Eh bien ! la voilà passée cetle journée de la récompense ! Je ne la voyais pas comme ça. Oh ! l’année prochaine, attraper une médaille !… Et que tout arive enfin comme dans un rêve !… Ètre applaudie, triompher ! Ce serait trop beau et impossible commc tel, si je n’étais si malheureuse… Et quand vous aurez une deuxième médaille, vous voudrez avoir la grande ? sans doute.

Et puis la croix ? Pourquoi non ? Et après, jouir du fruit de son travail, de ses peines, travailler toujours, se soutenir autant que possible à la hauteur, et essayer d’être heureux, aimer quelqu’un. Oui !

Nous verrons après, rien ne presse. Il ne sera ni plus laid ni plus vieux dans cinq ans qu’aujourd’hui. Et si je me mariais comme cela aujourd’hui, je le regretterais peut-être… Mais enfin il faut bien me marier ; j’ai vingt-deux ans. Et on m’en donne davan tage ; non pas que je paraisse vieille, mais à treize ans, à Nice, on m’en donnait. dix-sept et je les paraisEt après ?

sais. Enfin… me marier avec quelqu’un qui m’aimera vraiwent ; sans cela je serais la plus malheureuse des